CLOTURE DE LA 2ème SESSION ORDINAIRE DE L’ANNÉE
CLOTURE DE LA 2ème SESSION ORDINAIRE DE L’ANNÉE LEGISLATIVE 2014
ET FERMETURE DES TRAVAUX DE LA 49ème LEGISLATURE.
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Honorables Sénateurs de la République,
Amis de la presse parlée, écrite et télévisée,
Chers invités,
Chers Collègues Députés,
Une franche collaboration avec le Président de l’Assemblée nationale et une heureuse concorde pour les actions positives et fécondes me valent aujourd’hui le privilège de bousculer le cérémonial de la séance de clôture pour y insérer une prise de parole du Vice-président de l’Assemblée. La circonstance nous a paru à tous deux particulière et propice à plus d’un titre.
Parce que la Constitution prescrit qu’une législature se compte à la durée quadriennale du mandat des Députés, la clôture de cette seconde session de l’année législative 2014 met fin à la 49e législature. Au coup de maillet du Président Simon Dieuseul Desras au terme de la séance du jour, notre 49e législature bascule dans les zones mortes du souvenir ; il entre dans les annales du passé. N’est-ce pas là une occasion unique pour un président de chambre d’effectuer avec ses pairs députés, et devant la galerie des honorables sénateurs à la fois témoins et émules, une évaluation de la législature finissante et de saluer des collègues qui partent pour des vacances dans la résonnance des espérances de la revoyure ou dans la tristesse du deuil de l’adieu ?
Mes chers collègues Députés de la 49e,
Mon propos s’adresse principalement à vous et, à travers vous, au peuple qui nous a investis de sa confiance. Mon allocution n’a pas mission ni l’ambition de dresser le bilan de la législature. À ce faire, je ravirais au Président de l’Assemblée Nationale un droit qui est sien, à lui reconnu par la Constitution et consacré par la tradition et un protocole immuable.
Nous venons de vivre ensemble le temps d’une législature, revêtus du prestige des hautes missions républicaines. Nous avons ensemble cimenté une cohabitation efficace et productive, aiguillonnés par l’objectif commun et sublime d’enrichir l’arsenal législatif et juridique de la République et d’améliorer le sort de nos mandants en ratifiant la politique générale du Gouvernement et en évaluant périodiquement son application par un contrôle rigoureux de l’action gouvernementale. Certes, comme il sied à toute communauté humaine, cette cohabitation a connu des moments de tension et de confusion ; elle a été traversée par des remous et des turbulences, souvent imputables à notre fougue bien compréhensible de défendre les desiderata de nos populations et de respecter nos orientations et nos choix. Les doctrines et les chapelles idéologiques qui ont sous-tendu et nourri nos options se sont entrechoquées, hors de tout dessein de s’éliminer ou de se détruire.
Nos débats parfois fervents et impétueux n’ont jamais atteint un trop haut niveau de virulence au point de mettre en cause la nécessaire pondération attachée à notre statut d’hommes et de femmes d’État ; ils n’ont jamais culminé à des affrontements irréversibles qui scellent les haines inexpiables et compromettent le dialogue des opinions et des antagonismes sur la piste du compromis et du consensus, finalités incontournables de la démarche démocratique. Et ce ne sont pas certains tintamarres ou vuvuzelas en Assemblée nationale, ni l’exhibition de cartons jaunes ou rouges à des invités d’honneur, ni de petits pugilats fugaces et bénins, vite noyés d’ailleurs dans l’effluve des accolades impromptues, qui viendraient contredire le sentiment largement partagé qu’en définitive, notre coexistence a été pacifique, conviviale et joyeuse.
Le comportement des uns et des autres, marqué au coin de la correction et de la civilité, a établi et consolidé des liens entre des individus venus de contrées éloignées et professant des idéologies différentes, voire contradictoires. Je n’éprouve aucune honte ni aucun sentiment de défaite à adresser le salut de l’épée aux présidents et membres des blocs d’opposition qui, au temps où je présidais le PSP, m’avaient combattu sans relâche, mais sans acrimonie ni outrecuidance, plutôt avec un sens élevé de l’honneur et du respect mutuel. Je félicite le PRI et le PEP, ainsi que le BAP éphémère, pour la force de leurs convictions et la cohérence de leur combat.
Aujourd’hui, il est venu ce moment de vérité pour vous confesser que certaines de vos prises de positions ne nous avaient pas laissé indifférents ni insensibles. Mais le jeu de la politique est ainsi fait qu’une fois le choix opéré dans l’analyse sereine des intérêts de groupe, l’escrime se circonscrit, sans extension ni concession, dans la dialectique et la dynamique de l’option initiale.
Maintenant qu’en tant que Président du Corps, placé par mon statut d’arbitre au-dessus de la mêlée, au-dessus des partis et des blocs, je retiens et je loue ces postures d’hommes et de femmes de caractère qui refusent de danser au rythme des vents fluctuants de la politique, qui ne savent pas baisser pavillon devant les rivalités ni devant les tentations séduisantes des opportunismes passagers.
Quant aux membres du groupe majoritaire, le PSP, je vous adresse les mêmes compliments pour le zèle inlassable et invincible qui a nourri votre mandat d’excellence et vos professions de foi idéologiques et politiques. Votre fidélité à vos idéaux, à vos choix originels et à votre camp vous honore. Et les critiques acerbes dont la minorité vous a accablés, les rumeurs malveillantes avec lesquelles les méchantes langues ont essayé de ternir votre image et votre probité, ne font qu’exalter la sublimité de votre attitude de constance et de cohérence, tant il est vrai que la beauté et la force d’une cause que l’on défend se jaugent aux obstacles, aux ornières et aux chausse-trappes qui jalonnent sa route.
En tout cas, si des fois, ici et là, l’expression des sentiments et des positions ont pris, de part et d’autre, des tournures passionnées, cette combativité n’exprime pas plus une agressivité envers des collègues condamnés à cohabiter qu’une démarche préventive destinée à tester la solidité des ancrages et à se prémunir contre toutes tentatives de persuasion adverse.
En tout cas, mes chers collègues, quoi qu’il soit advenu dans notre foulée sur nos routes communes, parallèles ou divergentes, l’heure fatidique est venue de nous séparer. Et cette séparation pathétique devrait s’effectuer dans l’accolade chaleureuse d’un au-revoir avec la ferme promesse des retrouvailles prochaines. Le départ devrait laisser derrière lui, dans cette enceinte, les cendres froides d’un passé dépouillé de toute animosité ; il devrait emporter dans ses fourgons tous les mobiles du ressentiment. À l’heure des déchirements de la séparation, l’être humain est séduit par l’élan du pardon et de la tolérance : toute aigreur se dissout, toute rancœur se dilue, toute hostilité se dénoue, les griefs s’effacent, la rancune s’estompe et s’oblitère.
Aujourd’hui, au moment d’engager d’autres batailles dans nos circonscriptions à reconquérir pour le plein accomplissement de notre vocation parlementaire, je vous invite tous à vous armer de cette supériorité de la longanimité et de la camaraderie retrouvée. Enterrons sous les dalles de la clémence le souvenir des offenses anodines et des imprudences de parole, de nos harangues effervescentes, des passes d’armes gagnées ou perdues, de nos petites défaites et victoires salutaires ou funestes.
Mes chers collègues Députés,
En quittant ces lieux de nos escrimes verbales quotidiennes, louons le Constituant d’avoir inscrit dans notre Charte fondamentale le principe de la permanence du Sénat. Ainsi, partons-nous avec le cœur léger, confortés dans la certitude de ne pas laisser la République orpheline. Le Sénat, comme tout le monde d’ailleurs, est pleinement conscient que le pays marche, comme d’un pas allègre et folâtre, vers des temps incertains ; à l’horizon de janvier 2015 se profile le spectre d’un vide institutionnel propice à tous les aléas, à toutes les aventures, à toutes les catastrophes. Nous ne doutons pas que les Pères conscrits agiront pour le meilleur de la paix sociale, de la stabilité politique et de la survie de la République. Pour notre part, nous avons pris nos responsabilités devant le peuple et devant l’Histoire : nous avons édicté des résolutions qui arment le Conseil Électoral Provisoire d’instruments nécessaires et suffisants pour l’organisation des élections en cette fin d’année, en vue de repeupler le paysage politique du pays et d’éviter tout passage à vide ou autre tentation autocratique. Le Conseil Électoral doit se mettre bien en tête que sa mission se résume à organiser des compétions électorales à la fin de cette année 2014. Les démocrates ne donneraient pas cher de sa longévité ou de sa survie s’il ratait cette échéance obligatoire et incontournable, au prétexte d’attendre que d’autres institutions ou organismes lui aplanissent des voies et lui ouvrent des issues. Les lenteurs, les atermoiements et tergiversations dans la mise en place des structures semblent participer d’une stratégie de la durabilité et de l’extension d’attributions. Les pouvoirs publics et le peuple ont pris note ; ils en appellent à une accélération du processus puisque les outils matériels, financiers, logistiques et légaux sont mis à la disposition de l’institution électorale pour l’accomplissement de sa mission dans un délai raisonnable.
En tout état de cause, si la République et notre fragile démocratie se trouvaient confrontées à de sérieux dangers et qu’il faille que nous revenions sur la brèche ou même monter sur les barricades, la Chambre des Députés, par ma voix, réaffirme et proclame sa disponibilité inconditionnelle à répondre à toute convocation à l’extraordinaire de l’Exécutif ainsi qu’à l’appel des forces vives du pays pour la sauvegarde des acquis démocratiques.
Retournons dans nos circonscriptions avec l’allégresse communicative du guerrier victorieux et l’opiniâtreté altière du conquérant permanent. Moi, je rentre chez moi dans les mêmes sentiments et avec les mêmes prétentions. Je vous souhaite à tous, autant que vous êtes, de nous retrouver bientôt, au lendemain des épreuves électorales, dans cette même salle où nous avons croisé le fer sans nous étriller vraiment, où seulement une innocente guerre des mots et d’idées aura soutenu la vitalité de nos débats au nom du bien, du beau, du vrai, au bénéfice de la République et de la Nation haïtienne.
Quittons-nous avec le ravissement partagé d’avoir mené le bon combat, dans un camp ou dans l’autre, dans la chaleur de nos convictions respectives et avec les armes courtoises de la joute oratoire et du dialogue démocratique. Avec, par-dessus tout, la satisfaction ultime et sublime que, tous, nous avons appartenu, nous appartenons et nous appartiendrons à jamais au camp du peuple haïtien qui mérite que tous ses fils et filles authentiques se sacrifient pour son bien-être.
Je contemple déjà, et je célèbre par anticipation la bienvenue des retrouvailles prochaines. Au revoir, mes chers Collègues. Et à bientôt !
Stevenson Jacques THIMOLÉON. Av.
Président de la Chambre des Députés
Vice-président de l’Assemblée Nationale.
Port-au-Prince, le lundi 8 septembre 2014